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Quatres saisons

Pourquoi les prévisions saisonnières sont-elles une arnaque ? Décryptage.

Les prévisions météorologiques saisonnières promettent souvent de vous prédire si l'hiver sera rude ou l'été chaud. Elles se multiplient dans les médias, souvent avec des titres sensationnalistes : "Un été caniculaire en perspective" ou "L'hiver le plus froid depuis 30 ans ?". Mais que valent-elles vraiment ? Dans cet article, nous allons expliquer pourquoi les prévisions saisonnières sont une arnaque scientifique déguisée.

Qu'est-ce qu'une prévision saisonnière ?

Les prévisions saisonnières visent à estimer les tendances météorologiques sur plusieurs mois, généralement une saison complète. Elles ne se basent pas sur des prévisions précises (comme les bulletins météo pour 3 ou 5 jours) mais sur des tendances générales de température et de précipitations. Ces prévisions s'appuient sur des modèles climatiques complexes qui prennent en compte des phénomènes globaux comme El Niño, les anomalies de température océaniques ou encore les courants atmosphériques.

On pourrait ajouter que le terme comporte une erreur de langage. "Tendance saisonnière" lui serait préférable, puisque la prévision saisonnière n'en est pas vraiment une, mais trace plutôt une tendance vague, sur une grande superficie, pour une large période.

Les limites scientifiques des prévisions saisonnières, ou comment la science joue à Madame Irma

Contrairement aux prévisions à court terme qui sont relativement fiables grâce aux modèles météorologiques actuels (et encore…), les prévisions saisonnières comportent de grandes incertitudes. Voici pourquoi :

La variabilité chaotique de l'atmosphère : L'atmosphère est un système dynamique complexe et chaotique. Même de minuscules variations initiales (comme une différence de température infime) peuvent conduire à des résultats complètement différents sur plusieurs jours, semaines ou mois. La fiabilité d'une précision, globalement, décline à mesure de l'échéance, et c'est d'autant plus vrai par temps dégradé. Les modèles météorologiques n'ont pas été conçus pour ça, et les quelques modèles allant dans ce sens ne sont absolument pas fiables (fiabilité autour de 60% pour une superficie large comme la moitié du territoire français).

Les "signaux faibles" : Des phénomènes comme El Niño ou les anomalies de l'Atlantique peuvent influencer les saisons, mais leurs effets sont souvent flous et ne garantissent pas des prévisions précises. Ainsi, prédire un été "plus chaud que la normale" est une estimation vague, loin d'une certitude. On notera : Météo France, par exemple, ne se mouille pas trop : l'organisme propose 3 scénarios, trop souvent annoncés chacun à 33% probables. Traduction : ils ne savent pas ! Vous en apprendriez autant au 3615 Madame Irma.

Une communication trompeuse dans les médias

Les médias amplifient souvent ces prévisions pour créer du buzz.

Pourquoi ? Parce que les annonces spectaculaires attirent l'attention. Le problème est que les termes comme "canicule probable" ou "hiver glacial attendu" sont souvent basés sur des probabilités faibles ou sur des tendances très générales. Ils jouent sur la confusion du public entre une prévision, et une tendance. Le seul usage de “prévisions saisonnières” est déjà une aberration en soi : il s'agit d'une tendance, et non d'une prévision.

Des intérêts financiers derrière ces prévisions

Sans surprise, la raison est financière ! Certaines entreprises ou associations exploitent cette tendance pour vendre des services météo "premium" aux agriculteurs, commerçants ou secteurs sensibles aux conditions climatiques. Ces prévisions, souvent coûteuses, donnent un avantage compétitif basé sur des données... souvent peu fiables.

Conséquence, un agriculteur va planifier des récoltes sur des tendances imprécises qui peuvent causer des pertes financières, ou des entreprises, qui gèrent leurs stocks d'énergie en fonction de "tendances froides" ou "chaudes", se retrouvent dans une situation ou la réalité dément ces “prévisions”. Ces acteurs économiques sont alors à la merci d'une "météo business" qui vend de l'incertitude emballée comme une vérité. Alors qu’encore une fois, en météorologie, rien n'est jamais gravé dans le marbre, encore plus à très longue échéance. On ne cessera de le répéter !

Prédire l'imprévisible : un pari risqué pour son image

Les prévisions saisonnières relèvent parfois davantage de l'intuition que de la science. La nature chaotique du climat rend toute prédiction fiable au-delà de quelques jours presque impossible. Prenons un exemple simple : Si quelqu'un affirme en octobre que "l'hiver sera rude", il a une chance sur deux d'avoir raison. En cas de "bon pronostic", il se verra attribuer une crédibilité excessive, renforçant l'illusion que ces prévisions fonctionnent.

C'est une crédibilité jouée à la roulette russe, avec une parade : en cas d'erreur, il se réfugie derrière une sorte de consensus prédéfinie, la majorité des services se copiant. Ils spéculent sur la crédulité des lecteurs, leurs angoisses, et leur mémoire courte, puisque la majorité des personnes oublient ce qu'il s'est dit ou passé d'une année à l'autre.

En résumé :

Fiabilité : très limitée.

Communication : souvent exagérée.

Utilité réelle : faible pour le grand public, risqués pour les professionnels.

Elles jouent simplement sur la curiosité des gens, leurs angoisses, leurs espoirs, et sur la misère des professionnels, plus particulièrement des agriculteurs et du monde agricole au sens large.

La prochaine fois que vous lirez "Un été record attendu", prenez du recul. Le climat est imprévisible, et les prévisions saisonnières relèvent davantage, et de très loin, de la spéculation que de la science. Est-ce que l’IA changera cela ? Il est encore trop tôt pour le dire.

Recherche et rédaction :

Guillaume VANIER